3rd May 2018 / by ayibostudio / In Economie / Leave a comment
La troisième édition de la FinTech Haïti s’est ouverte en grande pompe le vendredi 13 avril 2018, au Centre de Convention de la BRH, en marge du Sommet international de la Finance. Techniciens spécialisés en TIC, économistes, financiers, designers ont parlé de marketing digital, d’audit technologique, de minage et d’intelligence artificielle. Ils ont été unanimes à dire que les fintechs sont des opportunités pour Haïti.
Pour le coup d’envoi, Ronald Gabriel, membre du conseil d’administration de la Banque de la République d’Haïti a lancé une question qui légitime elle-même la pertinence de l’organisation d’un tel événement : « Les FinTech sont-elles une opportunité pour ce pays ? »
En effet, l’objectif même de cette édition de la FinTech est « d’éduquer le grand public sur les nouvelles avancées en FinTech à travers le monde tel que les crypto-monnaies, mais aussi de favoriser une meilleure compréhension des concepts finance, technologie et business de manière intégrée.» Sous forme de présentations magistrales ou de panels de discussions, les différents intervenants se sont attelés à cette tâche, avec enthousiasme et expertise.
Tout d’abord, avec l’architecte Christine Laraque, on a effectué un voyage dans le passé pour comprendre la prodigieuse évolution de la technologie, depuis l’invention du premier ordinateur, allant de la création de la plateforme de recherche en ligne Google (1990-2000), jusqu’à l’introduction du Mac book pro.
Madame Laraque, dans son intervention, a également partagé son expérience personnelle qui confirme comment la technologie a révolutionné les métiers. « En tant qu’architecte, avec la technologie – le logiciel BIM par exemple -, je peux faire un design qui me permet d’avoir toutes les données pour savoir comment construire ce design dans le concret et savoir comment elle va fonctionner. Je suis capable de faire beaucoup plus en moins de temps. »
Son avis était partagé par Bertrand Martin, CEO de Manman Pemba, qui, à la question de l’économiste Marc Alain Boucicault, modérateur du panel, a affirmé que : « L’internet a beaucoup changé la façon dont les compagnies haïtiennes font le marketing », si bien que « le consommateur haïtien est aussi ouvert sur les nouvelles technologies». Bertrand Martin a évoqué à titre d’exemple l’usage des applications telles Facebook lors des campagnes de publicité. Néanmoins, malgré ces évolutions, ce qui fait obstacle à la pratique du marketing digital en Haïti, c’est qu’il y a, selon M. Martin, « peu de données fiables sur les consommateurs. C’est un mélange d’un peu d’intuition, de flaire et de chiffres.»
L’intervention de Gaël Beauboeuf, Master I en Sciences informatiques, a porté sur le rôle et l’importance de l’audit technologique dans les institutions et les entreprises. Le concept n’est jusque-là pas assez connu ou mal connu en Haïti. Il s’agit d’une évaluation des politiques technologies de l’information mises en place dans une entreprise, afin d’identifier les forces et les faiblesses pour se mettre en conformité avec certains standards internationaux. L’importance de cette démarche est évidente : « réduire les coûts des audits, protéger l’image de l’entreprise, protéger les actifs en réduisant les risques de corruption à travers des outils informatiques, diminuer les pertes financières. »
Les risques technologiques (cyber attaques, cybercrimalité, problèmes de confidentialité des données) sont d’autant plus présents en Haïti qu’il n’existe pas de cadre légal en la matière, pas « de lois sur la protection des données technologiques sur la vie privée », déplore Beauboeuf, qui rappelle que « prévenir vaut mieux que guérir. »
Selon lui, rares sont les entreprises haïtiennes qui réalisent un audit de leur système d’information et pour cela, elles font appel à des compétences internationales. C’est pour pallier à cette sous-valorisation des professionnels haïtiens qu’a été créé l’Association nationale des auditeurs en système d’information d’Haïti (ANASIH).
« Aujourd’hui, tous les métiers ont un rapport avec la technologie. Quand vous ne prenez pas le temps de faire le bilan de votre système d’information, votre entreprise est vulnérable. Imaginez l’impact que cela peut avoir sur votre réputation ! », déclare Ingrid Moïse, consultante en sécurité des Systèmes informatiques, qui a rejoint le panel de discussions sur les « avantages de l’audit technologique pour les entreprises et organisation haïtiennes », modéré par Michèle Boisrond.
Sulette Emile, consultante en informatique, apportait un bémol cependant à cette obsession de sécurité qui risque d’alarmer les consommateurs : « Il n’existe pas un système informatique sécurisé à 100%. [..] ». Elle explique que la technologie n’est pas une fin en soi, que l’audit technologique apporte un autre regard dans le système d’information et aide à choisir des solutions technologiques adaptées et permet de faire une meilleure acquisition et répartition des ressources.
La FinTech a également permis de débattre de la place de la technologie dans l’éducation avec Guy Étienne, directeur du collège Catts Pressoir, dont les méthodes d’apprentissage sont une illustration parfaite de cette préoccupation. Cet établissement scolaire s’est mis au pas des nouvelles technologies avec la création de son premier laboratoire informatique dès 1991; du site internet du collège en 1998; par l’introduction de la robotique en 2007; puis du livre numérique en 2015 et de la création d’une station radio numérique.
« L’école, dès la maternelle, doit s’adapter et se moderniser en suivant le rythme du développement de la technologie », a déclaré M. Etienne. Juste après son intervention, des élèves du collège Catts Pressoir ont entrepris une séance de démonstration pratique des robots qu’ils ont construits dans leur salle de classe.
Plusieurs autres thématiques dont le bitcoin, le mobile banking, le coding ont été abordées dans la foulée de cette première journée de la FinTech Haïti 2018. La deuxième matinée s’est déroulée le samedi 14 avril avec des discussions aussi passionnantes qu’instructives sur cette alliance entre la finance et la technologie, notamment sur l’intelligence artificielle. Un hackathon a également eu lieu ce jour-là, permettant à des codeurs de présenter devant un jury des applications pouvant répondre à des besoins spécifiques de grandes entreprises haïtiennes comme Rebo, Brana et BRH.
Comprendre et mesurer les enjeux pour Haïti d’intégrer la technologie aussi bien au secteur des affaires que dans l’éducation ou la santé est aujourd’hui une nécessité. Tous les intervenants ont été clairs et unanimes sur le sujet, même s’ils reconnaissent les risques liés par exemple à la sécurité ou au problème de législation. Ils maintiennent qu’Haïti est sur la bonne voie.
Obed Lamy